Nous vous avions annoncé en février 2022 l’acquisition d’un système EEG compatible avec la neurostimulation grâce à une subvention du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Après avoir réorganisé le laboratoire et installé nos nouveaux équipements, nous avons démarré notre première étude en 2022, après avoir obtenu l’approbation par le Comité d’éthique de la recherche sectorielle en neurosciences et santé mentale du CIUSSSCN (projet #2022-2478).

Nous vous parlons aujourd’hui de ce projet excitant qui vise à mieux comprendre les effets de la neurostimulation sur l’activité cérébrale chez des personnes âgées de 20 à 85 ans de manière à optimiser l’utilisation de la neurostimulation et d’induire le plus de bénéfices possibles. En effet, il est bien connu que certaines personnes répondent à la stimulation, démontrant des effets bénéfiques, alors d’autres n’y répondent pas. Toutefois, les facteurs qui sous-tendent cette importante variabilité sont encore inconnus. L’âge pourrait être un facteur, mais l’activité cérébrale avant la stimulation aussi. Par exemple, une personne ayant plus d’activité cérébrale dans une bande de fréquence précise (p. ex. gamma) pourrait être plus ou moins réactive à la stimulation. De plus, la durée des effets de la stimulation sur l’activité cérébrale doit encore être clarifiée, de même que l’étendue des impacts. Ces effets ont été mesurés dans plusieurs études, mais pas dans les régions qui nous intéressent au laboratoire, c’est-à-dire les régions qui contrôlent la parole et le langage.

Dans notre projet, nous utilisons la stimulation magnétique transcrânienne répétitive ou rTMS de type iTBS (figure 1).

Figure1. Stimulation de type « intermittent theta-burst » (iTBS). 600 impulsions sont administrées sur 20 cycles de 10 triplets d’impulsions en trois minutes. Un cycle dure 10 secondes et la durée totale est de 200 minutes. Utilisation avec permission de Valérie Brisson 2024 (thèse doctorale).

Nous avons utilisé ce protocole récemment dans deux études réalisées par Valérie et Pascale pour améliorer la perception de la parole dans le bruit. Les résultats sont prometteurs, mais modestes. La TMS est une technique qui permet de stimuler sans douleur le cerveau humain en alternant rapidement un champ magnétique induit dans une bobine de fils de cuivre placée sur la tête (Figure 2B et C). Le champ magnétique est généré par un courant qui circule à travers une bobine de fil isolée dans une gaine de plastique. Le courant engendre un champ magnétique qui à son tour induit un courant secondaire dans une toute petite partie du cerveau. L’effet de la TMS est de moduler (amplifier ou diminuer) temporairement (quelques secondes à quelques minutes) l’activité d’une zone du cerveau (quelques millimètres carrés).

Dans le projet, nous ciblons trois aires qui sont impliquées dans le traitement de la parole. Ces régions sont identifiées au moyen des images du cerveau de chaque personne, obtenues par imagerie par résonance magnétique dans notre toute nouvelle plateforme IRM à CERVO. Ceci nous permet de prendre en compte les caractéristiques anatomiques individuelles (les cerveaux sont tous différents !). L’IRM est une technique d’imagerie qui donne des images de grande qualité du corps et du cerveau. C’est à l’aide d’un champ magnétique et de radiofréquences produites par l’appareil d’IRM que les images du cerveau sont générées.

Durant le projet, l’activité cérébrale est mesurée au moyen de l’électro-encéphalographie (EEG), avant et après la stimulation. L’EEG est une technique non invasive et sécuritaire qui mesure l’activité électrique générée par les neurones au moyen de petites électrodes placées sur la tête (figure 2A et D). L’activité électrique du cerveau est mesurée avant et pendant 60 minutes après la stimulation afin de déterminer le moment où elle retournera à son niveau de base. Cette période de 60 minutes est découpée en plusieurs courts intervalles. Pendant les enregistrements, les participants doivent être immobiles et au repos. Ceci nous permet d’étudier l’activité cérébrale de base du cerveau. Cette activité est considérée comme un indice de la santé cérébrale.

Figure 2 Portrait d’une séance d’acquisition de données dans le cadre du projet. A. Jessica qui prépare un participant en appliquant le gel pour les électrodes. Lorsque toutes les électrodes sont remplies et que leur lumière verte est allumée, le participant est prêt ! B. L’appareil de TMS. C. Pascale qui tient la bobine de TMS et applique la stimulation cérébrale. D. Jessica qui surveille l’enregistrement de l’activité cérébrale à l’extérieur de la salle insonorisée et faraday du labo. Nos nouvelles caméras nous permettent de nous assurer du bien-être du participant, et nous pouvons communiquer avec les personnes à l’intérieur de la salle à l’aide d’un système de micros et haut-parleurs.

Notre objectif est de recruter 25 personnes en bonne santé, sans contre-indication à l’IRM et à la TMS. L’étude est assez complexe, comportant quatre visites : la première au centre d’imagerie IRM de CERVO pour prendre des images du cerveau des personnes participantes, et les trois autres dans la salle insonorisée de notre laboratoire. Lors de chaque séance au labo, une région différente est stimulée avec la TMS. Ceci nous permettra de comparer les effets de la stimulation sur différentes aires du cerveau impliquées dans le langage. C’est donc environ 100 séances de collecte de données à prévoir, près de 10h par personne participante ! De plus, comme l’étude combine l’IRM et la TMS, le recrutement est ardu à cause des nombreux critères d’exclusion qui visent à nous assurer de la sécurité des personnes participantes.

L’étude, menée par Pascale, la directrice du laboratoire, nous a permis de former plusieurs étudiants, ce qui constitue l’un des objectifs principaux de la subvention obtenue pour acheter l’équipement: Juan, Camille, Marianne, Thomas, Keir, Marie et Jessica. Nous attendons une nouvelle stagiaire de France, Marion, qui se joindra à l’équipe du projet dès le mois de mai. L’équipement est maintenant utilisé dans un 2e projet au labo (NeuroSPiN) et sera bientôt utilisé dans un 3e projet, décuplant ainsi les occasions de formation.

Bien que nous n’ayons pas encore de résultats, nous avons maintenant complété la collecte de données avec 13 participants et commencerons le traitement des données cet été. Nous collaborerons également avec le professeur Philippe Albouy pour l’analyse des données EEG. Notre objectif est de terminer la collecte de données à la fin de l’été ou en début d’automne au plus tard. Un grand merci à toutes les personnes qui ont participé au projet et à toutes celles qui ont contribué à la collecte des données et à la mise en place du projet !

Restez à l’affût pour nos premiers résultats préliminaires à la fin de l’été !