Publication scientifique sur les bénéfices du chant choral
La capacité à percevoir la parole en présence de bruit dans l’environnement décline avec l’âge. Toutefois, la pratique de certaines activités musicales, comme le chant, pourrait minimiser ce déclin. Mais est-ce le cas pour toutes les personnes qui chantent ? Et comment expliquer le lien entre la pratique du chant et la perception de la parole ?
Une étude de notre laboratoire — tout juste publiée dans le journal Brain Structure and Function — a exploré les conditions de pratique requises pour observer des bénéfices, ainsi que les mécanismes neurologiques impliqués au moyen de l’imagerie par résonance magnétique (IRM).
Deux membres de notre laboratoire ont contribué à la rédaction de cet article : Maxime Perron, ancien étudiant à la maîtrise, qui a mené l’étude, et Pascale Tremblay, qui dirige le labo. Ils ont collaboré avec une chercheuse de l’Université Laval, Josée Vaillancourt, professeure à la Faculté de musique et spécialiste du chant choral.
Dans le cadre de l’étude, 72 adultes âgés de 20 à 87 ans ont été recrutés. La moitié de ces adultes pratiquaient le chant au sein d’une chorale depuis au moins deux ans et à raison d’une heure par semaine minimum. L’autre moitié des adultes ne pratiquaient aucune activité musicale sur une base régulière. Plusieurs variables étaient contrôlées — c’est-à-dire qu’elles étaient comparables entre les deux groupes — incluant notamment l’âge, le niveau de scolarité, le nombre de langues parlées, l’audition et le fonctionnement cognitif.
Au total, les participants et participantes prenaient part à trois visites. Lors de deux des visites, ces personnes ont rempli des questionnaires et effectué différents tests, dont un test évaluant la capacité à percevoir la parole dans le bruit. Durant ce test, les participants et participantes devaient indiquer en appuyant sur un bouton si des paires de syllabes entendues, superposées à un bruit de fond, étaient identiques (p. ex. fal — fal) ou différentes (p. ex. fal — val). L’équipe a notamment mesuré la vitesse à laquelle les personnes répondaient, soit les temps de réponse, ainsi que le pourcentage de bonnes réponses. L’autre visite était un examen d’imagerie par résonance magnétique du cerveau. Les images du cerveau obtenues lors de cet examen ont permis à l’équipe de mesurer le volume, l’aire et l’épaisseur du cortex de 14 régions du cerveau impliquées dans le traitement du signal auditif et de la parole (voir figure 1).
Figure 1. Régions du cerveau pour lesquelles le volume, l’aire et l’épaisseur du cortex ont été mesurés.
Les analyses réalisées ont permis d’observer un déclin de la performance au test de perception de la parole avec l’âge, chez les deux groupes de participants et participantes (chanteurs/chanteuses et personnes ne pratiquant pas le chant). Des analyses menées spécifiquement chez le groupe de chanteurs et chanteuses ont toutefois permis d’identifier des facteurs associés à un moins grand déclin de l’habileté à percevoir la parole avec l’âge. En effet, le déclin était moins prononcé chez les personnes qui chantaient dans plusieurs langues, qui pratiquaient le chant plus d’une fois par semaine à la maison, qui chantaient dans une chorale au moins trois heures par semaine et qui avaient suivi une formation en chant (voir figure 2). Ces résultats indiquent que les bénéfices du chant choral sur l’habileté à percevoir la parole dans le bruit sont observés sous certaines conditions, et dépendent de la fréquence et de l’intensité de la pratique du chant.
Figure 2. Relation entre l’âge, les caractéristiques de la pratique du chant et l’habileté à percevoir la parole dans le bruit. N. B. : Plus la sensibilité (d’) est élevée, meilleure est la capacité à discriminer les syllabes durant le test.
Les analyses ont également indiqué que la réduction du déclin à percevoir la parole avec l’âge, associée aux conditions de pratique du chant énumérées ci-haut, est liée à l’épaisseur du cortex dans plusieurs régions du cerveau (voir figure 3). Par exemple, le fait de chanter dans plusieurs langues aurait un effet positif sur la perception via son influence sur l’épaisseur du cortex dans les aires auditives primaires (sulcus temporal supérieur, gyrus temporal transverse) et le planum polare de l’hémisphère droit, ainsi que la face latérale du gyrus temporal supérieur et le gyrus précentral des hémisphères gauche et droit (régions identifiées en bleu et blanc dans la figure 3A). Ces régions sont impliquées dans l’analyse des caractéristiques des sons (p. ex. la hauteur qui peut être plus ou moins grave/aiguë, le rythme, la mélodie) et dans l’intégration des informations auditives et motrices (associées aux mouvements). Chanter implique un apprentissage auditif et moteur, qui requiert la coordination des mouvements de la bouche, des cordes vocales et du système respiratoire pour produire des sons précis, spécialement lorsqu’il faut chanter dans différentes langues. La pratique de cette activité musicale pourrait favoriser le maintien des mécanismes d’intégration des informations auditives et motrices au cours du vieillissement. C’est de cette façon que la pratique du chant choral pourrait réduire le déclin de perception la parole dans le bruit chez des personnes âgées !
Figure 3. Illustration des régions du cerveau pour lesquelles certaines conditions de chant modifient la relation entre l’âge et la capacité à percevoir la parole dans le bruit via l’épaisseur du cortex.
En conclusion, cette étude clarifie les conditions requises pour retirer des bénéfices de la pratique du chant choral et les mécanismes neurologiques impliqués. Une connaissance approfondie des effets du chant est nécessaire au développement de stratégies efficaces, basées sur les données scientifiques, pour maintenir les habiletés de communication tout au long de la vie !
Un grand merci à toutes les personnes ayant participé à cette étude !
Référence complète : Perron, M., Vaillancourt, J., & Tremblay, P. (2022). Amateur singing benefits speech perception in aging under certain conditions of practice: behavioural and neurobiological mechanisms. Brain Structure and Function. doi: 10.1007/s00429-021-02433-2
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