Dans nos projets de recherche, nous utilisons souvent des tests qui permettent d’évaluer les fonctions cognitives, aussi appelées « cognition ». 

Les fonctions cognitives sont les opérations mentales impliquées dans l’acquisition de connaissances, la manipulation d’information et le raisonnement. Elles incluent les opérations liées aux domaines de la perception, de la mémoire, des apprentissages, de l’attention, de la prise de décision et du langage (Kiely, 2014).

Notre laboratoire s’intéresse à la communication, laquelle dépend de ces fonctions. Par exemple, pour discuter avec quelqu’un, nous utilisons non seulement les fonctions langagières et de parole, mais aussi notre mémoire pour discuter d’événements du passé, et notre attention pour capter le contenu du message de notre interlocuteur. C’est pourquoi nous utilisons fréquemment des tests évaluant les fonctions cognitives, principalement la mémoire et l’attention. Par exemple, nous pouvons demander aux participants et participantes d’un projet de recherche d’effectuer un test mesurant l’attention afin de vérifier si la performance à cette tâche a une incidence sur la performance à nos différents tests de langage. De fait, une personne qui serait moins attentive aux mots entendus durant une tâche de langage pourrait avoir plus de difficulté à réaliser la tâche de langage.

Dans ce billet, nous vous dressons un aperçu des principales fonctions cognitives :

Langage

Les fonctions langagières forment une famille de fonctions cognitives qui regroupent une multitude d’opérations mentales nous permettant de comprendre et produire des mots et des phrases, de répéter, de nommer, etc. Ces opérations sont associées à différentes sphères du langage, soit la phonologie, la morphologie, le lexique, la sémantique, la syntaxe et la pragmatique (décrites dans un précédent article de blogue).

Mémoire

La mémoire peut être à court terme (p. ex. retenir un nouveau numéro de téléphone pendant quelques secondes ou minutes en se le répétant mentalement) ou à long terme (p. ex. se rappeler par cœur le numéro de téléphone de nos parents, que nous avons appris il y a longtemps).

La mémoire peut aussi être verbale (p. ex. mémorisation de mots entendus) ou non verbale (p. ex. mémorisation de sons de l’environnement).

Que l’information soit verbale ou non, le processus de mémorisation implique plusieurs étapes. L’information doit d’abord être encodée, ce qui implique notamment de porter attention à ce qui nous entoure, sans quoi l’information ne pourra être retenue. L’information est ensuite maintenue temporairement en mémoire à court terme, avant d’être consolidée, c’est-à-dire emmagasinée en mémoire à long terme. Il est à noter que toute l’information maintenue temporairement en mémoire à court terme ne sera pas consolidée. Toutefois, les apprentissages impliquent la consolidation ; c’est-à-dire que lorsque nous avons appris quelque chose, c’est que l’information a été emmagasinée en mémoire à long terme (Lezak et coll., 2012).

Il existe différents types de mémoire à court et long terme (Lezak et coll., 2012; Ska & Joannette, 2006), dont les suivants :

  • La mémoire phonologique. Ce type de mémoire à court terme permet de maintenir temporairement les informations verbales (p. ex. retenir la suite de mots qu’un interlocuteur vient de prononcer, ce qui est essentiel afin d’analyser l’ensemble des informations et de donner ensuite un sens au message).
  • La mémoire épisodique. Ce type de mémoire à long terme nous permet de nous rappeler nos souvenirs personnels, pouvant être situés dans le temps et l’espace (p. ex. le souvenir de notre premier jour à l’école).
  • La mémoire sémantique. Il s’agit de la mémoire à long terme des connaissances générales et des faits, lesquels ne sont pas associés à un lieu et un moment précis (p. ex. connaissance des mots, de l’alphabet, de la fonction des objets, etc.).
  • La mémoire procédurale. Il s’agit d’un type de mémoire à long terme, soit la mémoire des gestes appris, difficilement verbalisables (p. ex. faire de la bicyclette).

Dans notre laboratoire, nous mesurons surtout la mémoire phonologique, en partie parce que nos tests mesurant des habiletés de communication impliquent fréquemment de maintenir temporairement en mémoire des syllabes ou des mots (p. ex. en vue de déterminer si celles-ci sont identiques ou différentes). Ainsi, pour distinguer les capacités de mémoire de celles de communication, comme distinguer la capacité à mémoriser des suites de sons de celle à distinguer les différents sons de la parole, nous devons utiliser des tests nous permettant de mesurer ces deux habiletés.

Gnosies

Les gnosies font référence aux fonctions permettant de reconnaître les objets par l’intermédiaire des sens (vision, ouïe, toucher…). Elles dépendent des perceptions sensorielles et des souvenirs acquis. Par exemple, pour identifier un objet par la voie visuelle, un traitement perceptuel doit être effectué, consistant à extraire et intégrer les composantes élémentaires de l’image de la rétine (p. ex. les courbes des lignes de l’image, les coins, etc.). La représentation mentale de l’image ainsi formée peut ensuite être mise en relation avec la représentation de la forme de l’objet déjà emmagasinée en mémoire à long terme. Nous accédons ensuite à l’ensemble de nos connaissances associées à l’objet, ce qui nous permet de le reconnaître (Riddoch & Humphreys, 1987).

Lorsque nous demandons aux participants et participantes de notre laboratoire de nommer des images, les gnosies (et plus spécifiquement les gnosies visuelles) sont impliquées ! De fait, avant de trouver le mot correspondant à l’image, la personne doit d’abord reconnaître l’objet qui est illustré.

Praxies

Les praxies concernent les opérations mentales qui permettent l’exécution volontaire de gestes par l’initiation, le positionnement, la coordination et l’adaptation de mouvements isolés ou en séquence (Lezak et coll., 2012). Plusieurs opérations mentales sont nécessaires pour parvenir à exécuter un geste de façon volontaire. Par exemple, si on nous demande d’utiliser une brosse à dents, il faut entre autres accéder à nos connaissances liées à la fonction de l’objet (la brosse à dents) et accéder en mémoire à la séquence de mouvements à exécuter avant de passer à l’action (Rothi et coll., 1991).

Cette catégorie de fonctions cognitives est moins évaluée dans notre laboratoire. Toutefois, une étudiante qui commencera sa maîtrise parmi nous en septembre, Marjorie, étudiera notamment le potentiel de la TMS à améliorer la parole chez des personnes présentant une apraxie de la parole. Ces personnes présentent une difficulté avec les praxies liées à la parole, soit une difficulté à planifier et programmer les séquences de mouvements lors de la parole.

Fonctions exécutives

Les fonctions exécutives concernent l’ensemble des fonctions permettant de générer et contrôler le comportement volontaire dirigé vers un but (Capron, 2015).  Elles permettent la réalisation de tâches complexes, nouvelles ou non automatiques (Bonnaud et coll., 2004). Elles comprennent des habiletés liées à la résolution de problème, telles que les capacités d’abstraction, de planification, d’organisation, de pensée stratégique et d’autosurveillance (c.-à-d. la capacité à s’autoévaluer et à réguler son propre comportement), ainsi que l’inhibition (Troyer et coll., 1994; Diamond, 2012).

La mémoire de travail, soit la capacité à manipuler mentalement des informations (impliquée par exemple lorsqu’on fait un calcul mental) est aussi considérée comme étant une fonction exécutive (Diamond, 2012). Il s’agit d’une fonction que nous mesurons présentement dans le cadre de notre projet de recherche sur les effets de la pratique d’activités musicales et non musicales dans le cerveau adulte sur le langage, la cognition et les processus émotionnels ! En effet, la capacité à se concentrer pourrait être améliorée par la pratique d’activités musicales, mais ceci reste encore à démontrer !

Attention

L’attention est une fonction cognitive complexe référant à la capacité à être réceptif à son environnement. Il est possible de distinguer plusieurs types d’attention (Lezek et coll., 2012), incluant :

  • L’attention sélective. Elle permet de porter son attention sur quelque chose ou une idée, en ignorant les distractions dans l’environnement.
  • L’attention soutenue. Celle-ci nous permet de maintenir notre attention sur quelque chose pendant une certaine période de temps.
  • L’attention partagée. Ce type d’attention réfère à la capacité à effectuer deux tâches en même temps ou à porter attention simultanément à plusieurs éléments d’une même tâche.
  • L’attention alternée. Il s’agit de la capacité à focaliser son attention en alternance sur différents éléments de l’environnement.

Lors des tests expérimentaux effectués dans notre laboratoire, plusieurs types d’attention peuvent être impliqués. Par exemple, pour effectuer une tâche de perception de la parole dans le bruit, l’attention sélective entre en jeu pour faire abstraction du bruit environnant, et l’attention soutenue est également impliquée si le test est long à compléter. Ainsi, chaque fois que nous préparons une nouvelle tâche expérimentale, nous devons penser aux différentes fonctions cognitives qui seront impliquées, et prévoir au besoin la passation de tests supplémentaires qui nous permettront de contrôler ou mesurer leur contribution.

Enfin, il importe de mentionner que l’expression « fonctions cognitives » possède plusieurs définitions. Par exemple, bien que l’attention soit souvent présentée comme une fonction cognitive, elle est aussi souvent considérée comme étant une fonction exécutive (Diamond, 2012). Par ailleurs, l’attention et les fonctions exécutives sont parfois considérées de façon distincte des fonctions cognitives, puisqu’elles sont liées à l’efficacité avec laquelle les opérations mentales sont effectuées (Lezek et coll., 2012). Enfin, il est souvent question des fonctions cognitives langagières, mais il ne faut pas oublier qu’il y a également plusieurs opérations mentales impliquées dans la parole !

Ce bref aperçu des fonctions cognitives révèle à quel point la communication est complexe, et repose sur un très large inventaire de fonctions cognitives. Ces fonctions ne servent pas qu’à communiquer, mais aussi à accomplir une variété d’activités quotidiennes comme planifier notre journée, se rappeler ce que nous avons fait la veille, ou rester concentré au travail !

Pour en savoir plus sur les fonctions cognitives, vous pouvez consulter cette page du site web de l’Association québécoise des neuropsychologues : https://aqnp.ca/la-neuropsychologie/les-fonctions-cognitives/

Autres lectures suggérées:

Références :

Bonnaud, V., Bouston, A., Osiurak, F., & Gil, R. (2004). Le syndrome dysexecutif chez la personne âgée : de la théorie à la pratique. La Revue Francophone de Gériatrie et de Gérontologie, 11(103), 147-149.

Capron, J. (2015). Examen des fonctions cognitives en médecine interne. La revue de médecine interne, 36, 818-824.

Diamond, A. (2013). Executive functions. Annual Review of Psychology, 64, 135–168. DOI: 10.1146/annurev-psych-113011-143750

Kiely, K.M. (2014) Cognitive Function. In: Michalos A.C. (eds) Encyclopedia of Quality of Life and Well-Being Research. Springer, Dordrecht. https://doi.org/10.1007/978-94-007-0753-5_426

Lezak, M.D., Howieson, D.B., Bigler, E.D., & Tranel, D. (2012). Neuropsychological assessment (5th ed.). Oxford University Press.

Riddoch, M.J., & Humphreys, G.W. (1987). Visual object processing in optic aphasia: A case of semantic access agnosia. Cognitive Neuropsychology, 4(2), 131–185. DOI: 10.1080/02643298708252038

Rothi, L.J.G., Ochipa, C. & Heilman, K.M. (1991). A Cognitive Neuropsychological Model of Limb Praxis. Cognitive Neuropsychology, 8(6), 443-458. DOI: 10.1080/02643299108253382

Ska, B., & Joannette, Y. (2006). Vieillissement normal et cognition. Médecine/Sciences, 22(3), 284-287. DOI: 10.1051/medsci/2006223284

Troyer, A.K., Graves, R.E., & Cullum, K.M. (1994). Executive functioning as a mediator of the relationship between age and episodic memory in healthy aging. Aging and Cognition, 1, 45–53.

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