Dans les expériences menées au laboratoire, nous utilisons fréquemment des non-mots, soit des mots inventés.

Par exemple, nous pouvons demander aux participants et participantes de répéter à voix haute des mots inventés qu’ils entendent dans des écouteurs, ou encore de déterminer si deux non-mots sont identiques. Mais pourquoi ne pas utiliser de vrais mots ?! 

Il existe une distinction importante entre les mots et les non-mots. Les vrais mots, que nous avons déjà entendus ou lus, sont emmagasinés dans notre mémoire à long terme avec leur signification. Un peu comme si les mots que nous connaissons étaient inscrits avec leur définition dans un dictionnaire mental. Ce dictionnaire est souvent appelé le « lexique mental ». Lorsque nous entendons un mot qui nous est familier (p. ex. « chien »), c’est cette inscription en mémoire qui nous permet de reconnaître qu’il s’agit d’un mot réel et d’accéder à sa signification (p. ex. « C’est un animal à quatre pattes qui aime les os ! »). 

Les non-mots, contrairement aux mots, ne sont pas emmagasinés dans notre mémoire à long terme puisqu’ils sont nouveaux, que nous n’y avons jamais été exposés. Ainsi, pour répéter correctement un non-mot (p. ex. « pérouli »), il faut avoir bien perçu chacun des sons qui le compose (p. ex. p-é-r-ou-l-i). Si un seul des sons a été mal perçu, une erreur sera commise. Par exemple, si j’entends le son « è » au lieu du son « é », je risque de prononcer « pèrouli » plutôt que « pérouli ». Avec les mots réels, une difficulté à percevoir les sons de la parole peut être compensée par nos connaissances de la langue. Par exemple, imaginons qu’on vous demande de répéter une liste de mots, incluant le mot « béton ». Même si vous entendiez le son « è » au lieu du son « é », vous pourriez parvenir à répéter le mot correctement, puisque vous savez que le mot « bèton » n’existe pas. 

L’utilisation de non-mots permet donc d’étudier l’habileté à percevoir les sons de la parole, en minimisant la contribution des connaissances liées aux mots réels, emmagasinés dans notre mémoire à long terme. D’ailleurs, ces connaissances liées au lexique mental sont de l’ordre du langage et non de la parole (pour plus d’information, lisez notre article sur la différence entre parole et langage). C’est pourquoi plusieurs membres de notre laboratoire, qui étudient l’habileté à percevoir ou produire les sons de la parole, utilisent des non-mots !

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