Induire la plasticité
Si l’humain a dompté les animaux, les éléments et l’espace, peut-il aussi dompter son propre cerveau ? Malléable comme le plastique et la pâte à modeler des enfants, notre cerveau est capable de s’adapter et de se réorganiser tout au long de notre vie. Pouvons-nous « dompter » les mécanismes cérébraux dernière ces effets afin d’induire des changements bénéfiques dans certaines régions du cerveau ?
Caractéristique essentielle du cerveau, la plasticité cérébrale est nécessaire à son bon fonctionnement, à l’apprentissage et à la mémoire. Elle permet aussi au cerveau de se transformer à la suite d’un traumatisme physique ou psychologique, ou au cours du vieillissement. L’un des intérêts principaux de notre labo est l’impact du vieillissement sur le cerveau et ses conséquences sur la parole, le langage, la cognition et les interactions sociales. Pouvons-nous identifier des facteurs ayant des effets positifs sur le vieillissement de la communication et des interactions sociales ?
Notre labo s’intéresse à trois mécanismes de plasticité :
1) La plasticité par l’expérience d’activités musicales au niveau amateur
Le chant choral et la pratique d’instruments de musique peuvent-ils avoir des effets positifs sur le cerveau au cours du vieillissement ? Après tout, la pratique d’une activité musicale est considérée comme un entraînement total puisque sa pratique fait appel à plusieurs sens en même temps : ouïe, toucher (p. ex. sensations internes liées à la respiration et la voix, manipulation des cordes d’un instrument) et vision (p. ex. lecture de partitions). C’est aussi un exercice qui fait appel à plusieurs sphères de la cognition : concentration, mémoire à long et à court terme (p. ex. lire plusieurs notes à l’avance). L’entraînement musical répété peut créer des changements durables dans notre cerveau. Des effets bénéfiques de cette pratique sont d’ailleurs connus chez les musiciens professionnels. Des résultats de notre labo montrent un effet bénéfique du chant sur la voix au cours du vieillissement normal, ainsi que des effets sur la perception de la parole dans le bruit, et des changements sur le plan de l’articulation.
Notre projet de recherche financé par le FRQNT s’intéresse aux impacts des activités musicales sur la parole et le langage, en particulier l’accès lexical. L’acquisition d’images par résonance magnétique (IRM) nous permettra d’étudier la relation entre la pratique de ces activités et la structure et le fonctionnement du cerveau.
2) La plasticité induite par la stimulation du cerveau
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) permet d’activer ou de désactiver temporairement des régions spécifiques du cerveau. Une bobine génère de brefs champs magnétiques qu’on appelle des « impulsions ». Selon les paramètres de stimulation utilisés (p. ex. le nombre d’impulsions, la force des impulsions et la région du cerveau qui sera stimulée), ce champ magnétique augmente ou diminue l’activité des neurones stimulés. La TMS peut ainsi induire des changements dans le but d’améliorer la parole, le langage, la cognition, la motricité ou l’humeur.
Au laboratoire, nous utilisons la TMS afin d’étudier la production et la perception de la parole et la cognition. Par exemple, le projet de Valérie, étudiante au labo, vise à mieux comprendre comment le vieillissement du cerveau affecte la perception de la parole dans le bruit, et à déterminer si la TMS peut induire des changements plastiques pouvant réduire les difficultés liées à la perception de la parole dans le bruit avec l’âge. Un article scientifique portant sur une partie de ce projet vient d’ailleurs tout juste d’être soumis!
Un autre projet est en cours de développement dans lequel nous allons utiliser la TMS pour moduler la transmission de l’information entre des régions du cerveau impliquées dans les aspects moteurs et langagiers de la production de la parole. Nous évaluerons si la TMS modifie la performance à une tâche expérimentale de production de la parole. Cette étude pourrait nous renseigner sur le rôle du faisceau oblique, lequel relie les régions du cerveau qui seront stimulées. L’étude est en cours d’élaboration par Sophia et Marjorie, étudiantes à la maîtrise en orthophonie, avec l’aide de Marilyne et de Pascale. Marjorie complétera ce projet dans le cadre d’une maîtrise en recherche, avant de s’intéresser à des populations ayant des troubles de la parole !
3) La plasticité induite par l’entraînement phonétique.
Est-ce qu’un entraînement à des tâches de parole pourrait induire des changements dans le cerveau, dans les réseaux qui sous-tiennent les fonctions de parole ? Pourrait-il améliorer les performances dans la production de la parole chez des personnes adultes jeunes et âgées ? Ce type d’entraînement, si efficace, pourrait être utilisé dans un contexte clinique, en réadaptation avec des patients ayant des troubles du langage. Dans le cadre de la nouvelle subvention du CRSNG obtenue par Pascale Tremblay ce printemps, ce mécanisme sera étudié au cours de différentes études à venir!
Notre capacité à communiquer grâce au langage oral est une composante essentielle des interactions sociales et de notre vie de tous les jours. Alors que le vieillissement affecte grandement cette capacité, notre labo s’intéresse à plusieurs facteurs ayant des effets positifs sur le cerveau. Dompter notre cerveau dans le but de mieux vieillir ? On y travaille !