Ce texte est le troisième de la série sur le traitement des sons de la parole. Dans les publications précédentes, nous avons présenté le système auditif périphérique, qui est la porte d’entrée des sons, ainsi que le système auditif central sous-cortical, qui permet l’acheminement des sons de l’oreille jusqu’au cerveau. Dans ce texte, nous aborderons maintenant le fonctionnement du système auditif central « cortical », c’est-à-dire, le cortex auditif.

À partir du thalamus, le signal auditif est acheminé jusqu’au cortex auditif primaire, situé dans le gyrus de Heschl, dans le lobe temporal, à la hauteur approximative du haut des oreilles (Litovsky et coll., 2021). On l’appelle « primaire » car c’est la première partie du cortex qui reçoit le signal auditif. Comme dans la cochlée, l’information sur la hauteur du son (de grave à aigu) est organisée dans un ordre précis à l’intérieur du cortex auditif primaire : les sons graves dans la partie dite antérieure (vers le front) et les sons aigus dans la partie dite postérieure du cortex auditif (voir figure 1). Cette organisation spatiale est appelée « tonotopie ».

Figure 1. Codage spatial de la fréquence des sons dans le cortex auditif primaire, adapté de l’image originale (Auditory Cortex Frequency Mapping) par Chittka, L. et Brockmann, A. sous licence CC BY 2.5. Les sons plus graves (p. ex. à une fréquence de 0.5 kHz), qui font vibrer le sommet de la cochlée, sont traités dans la partie antérieure du cortex auditif primaire, alors que les sons plus aigus (p. ex. à une fréquence de 16 kHz), qui font vibrer la base de la cochlée, sont traités dans la partie postérieure du cortex auditif primaire.

L’analyse des caractéristiques sonores (fréquence, durée, localisation, intensité), initiée dans le tronc cérébral, se poursuit dans le cortex auditif. Dans cette région, la scène auditive est construite. On peut comparer une scène auditive à une scène visuelle. Nous yeux captent des quantités fulgurantes de lumières de différentes couleurs et degrés d’intensité provenant de différents endroits. Notre cortex visuel doit construire, à partir de ces sources de lumière, une représentation mentale du paysage que nous regardons (qui nous permettra d’identifier les contours des objets, leur distance approximative, leur couleur, etc.). De façon similaire, le cortex auditif doit intégrer toutes les informations sonores perçues et former un « tout » cohérent : la scène auditive.

Des études ont suggéré que les hémisphères (côtés) du cerveau ont des « spécialités » (Zatorre et coll., 2022) différentes pour l’analyse des sons : le cortex auditif droit serait spécialisé dans le traitement des informations sur la fréquence des sons (grave ou aigue), laquelle est importante pour identifier un locuteur ou une mélodie. Le cortex auditif gauche serait davantage spécialisé dans le traitement de la durée des sons (particulièrement importante dans l’analyse de la parole). Ainsi, un accident vasculaire cérébral endommageant le cortex auditif gauche ou droit n’affectera pas la perception auditive de la même manière. 

Un dysfonctionnement au niveau du cortex auditif peut être à l’origine d’un « trouble du traitement auditif central ». Les personnes qui vivent avec cette condition ont de la difficulté à traiter les caractéristiques des sons, bien qu’elles n’aient aucune surdité (leur oreille et leur système auditif périphérique est intact). Ce trouble a des répercussions néfastes sur la communication. Par exemple, il peut être difficile pour les individus ayant un trouble du traitement auditif central de suivre les conversations lorsqu’il y a plusieurs locuteurs, en raison d’une difficulté à déterminer la localisation des sons. Rappelons-nous que le cortex auditif central est impliqué dans la construction de la scène auditive.

Les acouphènes sont un autre exemple de phénomène perceptuel pouvant être lié à une activité anormale dans le système auditif central. Les acouphènes se manifestent par la perception d’un bruit (sifflement, grésillement) en absence d’un bruit externe (Kaylie, 2021). Il est à noter toutefois que les causes des acouphènes sont multiples (par exemple, infections de l’oreille, perte auditive, prise de certains médicaments; Kaylie, 2021). Bien que les acouphènes soient rares et temporaires pour la plupart des individus, 5 à 10% de la population vit avec un acouphène chronique (Hear-it, 2021) pouvant affecter la qualité du sommeil, les habiletés de communication et la santé mentale.

Lorsque le traitement auditif central est complété avec succès, des niveaux de traitement supplémentaires, linguistiques, sont nécessaires pour le traitement des sons du langage afin de les identifier et de les interpréter, et de comprendre le sens du message. Le signal de parole poursuit donc son chemin à l’intérieur du cerveau ! Ces prochaines étapes seront abordées dans l’article suivant de cette série sur le traitement des sons de la parole.

Autres textes de la série :

Le système auditif périphérique (texte 1 de 4)

– Le système auditif central sous-cortical (texte 2 de 4)

– La perception de la parole : une faculté complexe (texte 4 de 4)

Références : 

Hear-it. Prévalence des acouphènes. Récupéré le 20 janvier 2022 du site web: https://www.hear-it.org/fr/prevalence-de-lacouphene

Kaylie, D.M. Le manuel Merckversion pour professionnels de la santé. Merck and Co., Inc. Récupéré le 22 janvier 2022 du site web: https://www.merckmanuals.com/fr-ca/professional/affections-de-l-oreille,-du-nez-et-de-la-gorge/prise-en-charge-du-patient-présentant-une-affection-de-l-oreille/acouphènes

Litovsky, R.Y., Goupell, M.J., Fay, R.R., & Popper, A.N. (2021). Binaural hearing (Ser. Springer handbook of auditory research, v. 73). Springer. https://doi.org/10.1007/978-3-030-57100-9

Zatorre, R.J., Belin, P., & Penhune, V.B. (2002). Structure and function of auditory cortex: music and speech. Trends Cogn Sci, 6(1): 37-46. https://doi.org/10.1016/S1364-6613(00)01816-7

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