Vous pourriez avoir remarqué que nous recrutons souvent des personnes qui sont droitières dans nos études.

Ceci peut sembler surprenant, voire même décevant, mais il s’agit d’un critère commun à toutes les études portant sur le langage et le cerveau ainsi qu’à la plupart des études portant sur le contrôle des mouvements. Pourquoi ? Parce que l’organisation du cerveau des gauchers est différente de celle de la majorité de la population, c.-à-d. des droitiers (seulement 1 personne sur 10 est gauchère).

Qui dit main dominante, dit hémisphère cérébral dominant.

La latéralisation du cerveau, c.-à-d. l’importance du sens gauche-droit dans notre corps se reflète, par exemple, dans le traitement des informations nerveuses qui se croisent dans notre moelle épinière : l’hémisphère droit contrôle les mouvements du bras et de la jambe gauche, et vice versa. Il en va de même pour le traitement des informations sensorielles. L’hémisphère gauche est dominant chez les droitiers, alors que l’hémisphère droit l’est chez les gauchers.
Le cas du langage est différent !

En effet, chez presque tous les droitiers et la majorité des gauchers, l’hémisphère gauche serait dominant par rapport aux processus langagiers. On appelle ce phénomène une latéralisation des fonctions. Pour le langage, cette latéralisation est relative, c’est-à-dire que l’hémisphère droit participe à plusieurs aspects du langage, mais dans une proportion moindre que l’hémisphère gauche.

Et chez les gauchers ?

Knecht et coll. (2000) ont démontré avec une étude sur 326 adultes en santé que cette dominance est différente. Chez seulement 4 % des personnes droitières, c’est l’hémisphère droit qui domine, alors que cette proportion monte à 15 % chez les personnes ambidextres et à 27 % chez les personnes gauchères. Bref, une personne gauchère a plus de chances d’avoir un hémisphère droit dominant pour le langage qu’une personne droitière.

En quoi cette différence est-elle importante ?

Cette organisation particulière du cerveau des gauchers n’est aucunement négative ou problématique. Elle complique cependant l’interprétation des données d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et de stimulation du cerveau. En effet, si une région de l’hémisphère gauche, par exemple le planum temporal, est spécialisée dans le traitement des sons pour les droitiers, mais pas pour les gauchers, l’anatomie, la connectivité et le fonctionnement de cette région, étudiés avec l’IRM, pourraient différer d’un participant à l’autre en fonction de sa latéralisation et introduire un biais dans nos résultats. De façon similaire, lorsque nous stimulons une région dans une étude de stimulation magnétique transcrânienne (TMS), nous devons stimuler la même région pour tous les participants. Si un participant est gaucher, avec un patron de latéralisation différent, la stimulation pourrait être inefficace chez cette personne, et introduire un biais dans nos résultats.

C’est pourquoi nous ne recrutons que des personnes droitières dans nos études de neuroimagerie et de neurostimulation.

 

Être gaucher est loin cependant d’être un handicap ! Voici quelques suggestions de lectures estivales :

Article fort intéressant sur les avantages du gaucher dans le monde du sport : https://www.lapresse.ca/vivre/sante/en-forme/201611/30/01-5046584-lateralite-dans-le-sport-avantage-a-gauche.php

Pourquoi y a-t-il plus de droitiers ? https://naitreetgrandir.com/fr/nouvelles/2017/09/06/20170906-comment-enfants-deviennent-droitiers-gauchers/

Des baleines ambidextres ? (texte en anglais) https://www.newscientist.com/article/2153956-whales-switch-from-right-to-left-handed-when-diving-for-food/

 

Référence :

Knecht, S., Dräger, B., Deppe, M., Bobe, L., Lohmann, H., Flöel, A., Ringelstein, E.B., Henningsen, H. (2000) Handedness and hemispheric language dominance in healthy humans. Brain, 123 Pt 12:2512-8. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11099452
Crédit photo : ElisaRiva/Pixabay

 

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