Le français québécois comme critère d’inclusion
« Pourquoi le français québécois doit-il être ma langue principale pour que je puisse participer à votre projet de recherche ? »
Voilà une question qui nous est régulièrement posée et qui mérite d’être répondue :
Contrairement à la croyance populaire, il n’existe pas de français unique, mais bien de nombreuses variétés de français ! Toutes ces variétés sont issues du latin. Avec la colonisation, le français s’est répandu à l’extérieur de l’Europe, sur tous les continents du globe. Dans la ville de Québec, à l’époque de la nouvelle-France, la variété de français utilisée était sans doute similaire à celle parlée à Paris ou d’autres régions de la France. Toutefois, le français a évolué de façon parallèle dans toutes les anciennes colonies, notamment au contact d’autres langues, tel l’anglais au Québec. Le français québécois se distingue aujourd’hui par des particularités sur le plan du vocabulaire et des expressions (p. ex. l’emploi du mot char pour une désigner une voiture, l’expression « Tire-toi une bûche ») et de la construction des phrases (p. ex. l’emploi du tu interrogatif, comme dans « Tu veux-tu de l’eau ? »), mais aussi de la prononciation. Par exemple, devant les voyelles i et u, le t est prononcé « ts » (p. ex. le mot tuque sonne « tsuque »), et le d est prononcé « dz » (p. ex. le mot dîner sonne « dzîner »). La prononciation des voyelles varie également. Par exemple, la différence de prononciation entre les mots brun et brin est plus marquée en français québécois que dans la variété française de Paris.
Il importe de noter qu’au sein d’un même pays, plusieurs variétés de français peuvent coexister, tels le français québécois et le français acadien au Canada. Et ce, sans compter la multitude d’accents régionaux pouvant être dénombrés au sein d’une même variété. Nous n’avons qu’à penser aux accents du français québécois, qui varient selon les régions (p. ex. Montréal, Québec, Lac-Saint-Jean, Charlevoix, Beauce, etc.).
Dans notre laboratoire, pour étudier les mécanismes qui permettent de percevoir et de produire la parole, nous utilisons des stimuli (p. ex. des enregistrements de voyelles ou de syllabes) qui sont créés par des locuteurs du français québécois, puisqu’il s’agit de la variété la plus courante dans la ville de Québec, où nos études ont lieu. Bien que les nombreuses variétés de français soient une richesse dans la réalité, dans le contexte de nos études, ces différences linguistiques pourraient affecter les réponses des participants. En nous assurant que les participants ont une base linguistique commune, nous pouvons comparer leurs résultats à des tâches de parole ou langage en sachant que les différences observées entre les participants ne sont pas liées à leur langue (la langue principale est alors une variable contrôlée !). Comme la variété québécoise est suffisamment différente des autres variétés (p. ex. Belge, Béninoise, Française, Suisse, Sénégalaise, Togolaise), il faut nous assurer que les participants sont familiers avec cette variété pour bien réussir nos tests. Pour vous donner un exemple, les voyelles sont prononcées très différemment dans la francophonie. Si nous demandons à nos participants d’identifier des voyelles québécoises, leur performance variera selon leur bagage linguistique, alors que ce n’est pas le sujet de nos études. Nos projets visent plutôt à comprendre les relations entre le cerveau et le langage, et comment cette relation évolue avec l’âge et la pratique d’activités musicales. C’est pourquoi nous devons nous assurer que les participants ont tous en commun une même variété de langue !
Crédit photo : Carte du monde adaptée de Vardion, transformée en SVG par Simon Eugster sous licence CC BY-SA 3.0
Bibliographie :
Brasseur, A. (2009). Les marqueurs phonétiques de la perception de l’accent québécois. [Mémoire de maîtrise, Université Laval]. http://hdl.handle.net/20.500.11794/20701
Chevalier, G. (2008). Les français du Canada : faits linguistiques, faits de langue. Alternative Francophone, Vol. 1(1), 80-97. http://ejournals.library.ualberta.ca/index.php/af
Lapointe, F. Les variétés de français dans le monde. Récupéré le 23 mars 2021 sur le site : https://www.csn.qc.ca/francisation_info/les-varietes-de-francais-dans-le-monde/
Šeleg, M. (2010) Les particularités lexicales du français québécois. Verbum, 1, 55-62. https://www.researchgate.net/publication/330717173