Comment les neurones peuvent-ils générer des signaux électriques ?

Il y a quelques semaines, nous avons écrit que les neurones communiquent à l’aide de signaux électriques et chimiques. Nous avons aussi mentionné que les neurones génèrent des impulsions électriques au niveau de leur soma, soit de leur corps cellulaire, lesquelles se propagent ensuite jusqu’à leurs boutons terminaux.

Dans ce billet de blogue, nous expliquons comment sont produites ces impulsions électriques, appelées « potentiels d’action ».

Tout d’abord, il faut savoir que le potentiel membranaire d’un neurone, qui correspond à la différence de potentiel électrique de part et d’autre de sa membrane, peut être mesuré au moyen d’une toute petite électrode (appelée microélectrode) introduite dans le cytosol du neurone (la partie liquide autour du noyau de la cellule) et d’une électrode de référence placée à l’extérieur du neurone (voir figure 1).

Figure 1. Illustration d’un voltmètre permettant de mesurer le potentiel de la membrane d’un neurone, à l’aide d’une microélectrode insérée dans la membrane et d’une électrode de référence dans le milieu extracellulaire. Le potentiel de la membrane de ce neurone est équivalent à -70 mV, comme indiqué par le voltmètre. Il y a donc une différence de potentiel de 70 mV entre les parties interne et externe de la membrane, la partie interne étant plus négative. Adaptation de l’image originale (1220 Resting membrane potential) d’OpenStax sous licence CC BY 4.0.

 

Le potentiel de la membrane du neurone varie selon qu’il est au repos ou actif. Les changements de potentiel sont possibles grâce aux nombreux canaux qui traversent la membrane du neurone, lesquels forment des pores permettant le passage de certaines molécules, les ions, comme le sodium (Na+) et le potassium (K+). Certains de ces canaux sont des sortes de petites pompes, qui échangent les ions Na+ présents à l’intérieur de la cellule avec des ions K+ présents à l’extérieur de la cellule (voir figure 2). Ces pompes font en sorte qu’au repos, la concentration de Na+ est plus grande dans le milieu extracellulaire (c.-à-d., à l’extérieur du neurone), alors que la concentration de K+ est plus grande dans le milieu intracellulaire. Ceci donne à la partie interne de la membrane du neurone au repos une charge électrique négative par rapport au milieu extracellulaire. C’est ce qu’on appelle le « potentiel de repos ». Le potentiel de repos varie en fonction du type de neurone, mais se situe généralement entre -40 et -90 mV. 

Figure 2. Illustration des mouvements des ions Na+ et K+ lorsque le neurone est au repos. Adaptation de l’image originale (Ion channel activity before during and after polarization) de Robert Bear and David Rintoul sous licence CC BY 4.0.

 

Le potentiel d’action se produit lorsque cet état est renversé de manière rapide et temporaire, c’est-à-dire lorsque l’intérieur de la membrane devient chargé de façon positive par rapport à l’extérieur du neurone pendant une très courte période. Les signaux chimiques provenant d’autres neurones sont à l’origine des changements de potentiel membranaire pouvant mener au potentiel d’action : lorsque des neurotransmetteurs se lient aux récepteurs situés sur les dendrites d’un neurone, l’ouverture ou la fermeture de canaux ioniques modifie le potentiel de la membrane et du même coup sa propension à générer un potentiel d’action. Le potentiel d’action peut être enregistré au moyen d’un oscilloscope. Cet instrument permet de visualiser un tracé représentant le potentiel de la membrane d’un neurone en fonction du temps (voir figure 3). Le tracé permet de constater que le potentiel d’action est très rapide, environ 2 millisecondes !

 

Figure 3. Potentiel d’action (Potentiel action PA seuil) , image adaptée de Groh64 sous licence CC BY-SA 4.0. Les lignes rouges illustrent des changements de potentiel membranaire ne menant pas au déclenchement d’un potentiel d’action, le seuil n’étant pas atteint.

 

Le potentiel d’action comporte plusieurs phases :

1. La dépolarisation.

La dépolarisation de la membrane est causée par l’entrée d’ions Na+ dans le neurone, qui passent par les canaux situés dans la membrane neuronale. L’ouverture de ces canaux est généralement contrôlée par des neurotransmetteurs, qui sont libérés par d’autres neurones (voir le billet sur la transmission synaptique). Lorsque les ions Na+ entrent dans le neurone, le cytosol devient moins négatif. Si le potentiel de la membrane atteint un certain seuil (voir figure 3), un potentiel d’action est déclenché : des canaux sodiques sensibles au voltage s’ouvrent et font rapidement entrer davantage d’ions Na+ dans le neurone (voir figure 4). Le changement de potentiel de la membrane se poursuit, jusqu’à atteindre un sommet à près de +40 mV. C’est le moment où l’inversion de potentiel est observée, c’est-à-dire que le potentiel à l’intérieur de la membrane est plus positif que dans le milieu extracellulaire. Les canaux sodiques sensibles au voltage sont ouverts environ 1 milliseconde. 

Figure 4. Illustration des mouvements des ions Na+ lors de la phase de dépolarisation. Adaptation de l’image originale (Ion channel activity before during and after polarization) de Robert Bear and David Rintoul sous licence CC BY 4.0.

 

2. La repolarisation.

Les canaux sodiques se referment et leur réouverture ne peut avoir lieu tant que le potentiel de la membrane n’est pas retourné à une valeur négative près du seuil de déclenchement du potentiel d’action. Cette fermeture des canaux est appelée inactivation. Dès le moment où les canaux sodiques sensibles au voltage sont inactivés, les canaux potassiques situés dans la membrane s’ouvrent. Cette ouverture engendre le passage rapide d’ions K+ de l’intérieur de la cellule vers le milieu extracellulaire (voir figure 5). Le potentiel de la membrane redevient alors négatif, ce qui correspond à la phase de repolarisation (voir figure 3). 

 

Figure 5. Illustration des mouvements des ions K+ lors des phases de repolarisation et hyperpolarisation. Adaptation de l’image originale (Ion channel activity before during and after polarization) de Robert Bear and David Rintoul sous licence CC BY 4.0.

 

3. L’hyperpolarisartion.

La phase d’hyperpolarisation se produit alors que les canaux potassiques sont encore ouverts et que les canaux sodiques sont fermés. Comme les canaux potassiques augmentent la perméabilité de la membrane au K+, mais qu’ils sont peu perméables au Na+, le potentiel de la membrane devient plus négatif en comparaison au potentiel de repos. C’est ce qu’on appelle l’hyperpolarisation (voir figure 3, qui se termine lorsque les canaux potassiques se referment. La membrane du neurone retrouve alors son potentiel de repos.

 

Dans notre laboratoire, nous ne mesurons pas le potentiel membranaire de neurones, ce type de recherche étant réalisé à partir de tranches de cerveau, chez des animaux, ou encore des cultures cellulaires. Par contre, nous utilisons des techniques de neuroimagerie permettant de mesurer ou modifier l’activité électrique des neurones. Par exemple, la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) permet d’induire des potentiels d’action de manière locale dans les neurones situés sous la bobine ! Restez à l’affût, nous y reviendrons dans une publication à venir sur les mécanismes d’action de la TMS !

 

Autres lectures suggérées :

 

Voici les ouvrages qui ont servi à la rédaction de ce billet de blogue et que vous pourriez consulter pour plus d’information sur le potentiel d’action :

Purves, D., Augustine, G.J., Fitzpatrick, D., Hall, W.C., LaMantia, A.S., & White, L.E. (Eds). (2015). Neurosciences (5th ed.). Sinauer Associates.

Bear, M.F., Connors, B.W., & Paradiso, M.A. (2007). Neurosciences: Exploring the brain (3rd ed.). Lippincott Williams & Wilkins Publishers.

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